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Archives de la catégorie : Prise d’acte

Les salariés qui prenaient acte de la rupture de leur contrat de travail, ou qui engageaient une action en résiliation judiciaire devant le Conseil de Prud’hommes devaient être très vigilants car les AGS ne garantissaient pas les sommes qui leur étaient dues dès lors que l’employeur faisait l’objet d’une procédure collective. Par deux décisions rendues le 8 janvier 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation revient sur cette jurisprudence

La Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet que lorsque les manquements qu’il commet sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le salarié est fondé à en tirer les conséquences en poursuivant la rupture du contrat de travail à ses torts. L’initiative du salarié prend soit la forme d’une prise d’acte, qui produit un effet immédiat, soit celle d’une résiliation judiciaire du contrat de travail, qu’il demande à la juridiction prud’homale de prononcer. Un examen rapide de la jurisprudence permet de dresser un aperçu non exhaustif de manquements de l’employeur ayant justifié la rupture du contrat de travail à ses torts.

Si les graves manquements commis par un employeur peuvent justifier une rupture du contrat de travail à ses torts et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est indispensable pour le salarié d’exprimer, de préférence par écrit, son mécontentement et d’agir rapidement. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation en effet, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est acquise que si la gravité des manquements de l’employeur empêche la poursuite du contrat de travail.

L’avocat est-il habilité, au nom de son client, à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ? La réponse apportée par la jurisprudence à cette interrogation est assurément affirmative, mais les conditions qu’elle pose nécessitent de la part du salarié une grande vigilance à l’égard des actes accomplis son conseil ; à défaut celui-ci peut dans certaines circonstances se révéler être son meilleur ennemi.

On ne saurait suffisamment attirer l’attention des salariés sur le risque que peut comporter une prise d’acte inconsidérée, et sur les conséquences auxquels elle expose son auteur. Si celle-ci peut présenter au premier abord plusieurs avantages en libérant immédiatement le salarié de son étreinte et en lui laissant espérant l’octroi d’indemnités et de dommages intérêts, il convient également d’intégrer l’aléa inhérent à toute instance judiciaire et l’incertitude liée à une telle action.

La relation de travail repose sur un équilibre tenant au respect par l’employeur et le salarié des obligations qui leur incombent. C’est ainsi que le salarié doit fournir une prestation de travail conforme à ses obligations contractuelles et ne pas commettre d’actes répréhensibles pouvant causer son licenciement, y compris pour faute grave.

Les prises d’acte de la rupture de leur contrat de travail par les salariés génèrent un abondant contentieux devant les Conseils de Prud’hommes. Elles constituent un indicateur potentiellement révélateur des conditions de travail inacceptables que subissent nombre de salariés. Devant l’inutilité d’une audience de conciliation, dans une instance où les relations entre les parties sont telles qu’il est illusoire d’imaginer que le litige qui les oppose puisse donner lieu à une conciliation sous les auspices du Juge, le législateur a introduit dans le Code du travail une procédure spécifique.

La prise d’acte, que nous avons évoquée à de multiples reprises est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié qui, lorsqu’il est justifié, produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, permettant ainsi à son auteur d’obtenir des dommages intérêts.
Pour conduire les juges à reconnaître le bien-fondé de la prise d’acte, les faits qui en sont à l’origine doivent constituer de graves manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles (absence de paiement des heures supplémentaires, manquement à l’obligation de sécurité, non-respect des dispositions relatives au repos hebdomadaire, entre autres).

Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La prise d’acte est justifiée en cas de graves manquements de l’employeur

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, qui reproche à son employeur de graves manquements.

Si les Juges considèrent qu’elle est justifiée, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié se voit allouer des dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le cas échéant, une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc 20 janvier 2010, n° 08-43476).

En revanche, s’ils considèrent que la prise d’acte n’était pas justifiée, soit parce que les manquements imputés à l’employeur n’étaient pas fondés, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’une démission, ce qui peut avoir pour conséquence que le salarié qui a quitté son emploi immédiatement, sans avoir effectué de préavis, doit être condamné à payer à son employeur une indemnité correspondant au préavis non effectué.

La prise d’acte a été consacrée par la Cour de cassation il y a moins de 10 ans (Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-42335), et la jurisprudence en affine les contours au fil des décisions.

On savait déjà, notamment, qu’elle était justifiée lorsque l’employeur ne rémunère pas au salarié les heures supplémentaires qu’il a effectué, ou lorsque l’employeur contrevient à son obligation de sécurité, de même qu’en cas de modification unilatérale de la rémunération contractuelle du salarié par l’employeur.

Exemple de décisions justifiant une prise d’acte

Deux décisions récentes nous éclairent encore davantage sur les faits qui légitiment une prise d’acte.

Ainsi, dans une première affaire, une salariée reprochait à son employeur de ne pas avoir remédié à une situation conflictuelle qui l’avait opposé à sa supérieure hiérarchique pendant plusieurs années, alors qu’il en était informé.

C’est à bon droit que la salariée a agi, ont estimé les Hauts magistrats, qui ont considéré que l’employeur avait laissé perdurer un conflit sans lui apporter de solution et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 17 octobre 2012, n° 11-18208).

Cette décision est d’autant plus intéressante que la salariée n’invoquait pas de harcèlement moral à son égard ; c’est véritablement l’inertie de l’employeur face à un conflit aigu qui est ici sanctionnée.

Dans une deuxième affaire, le salarié avait travaillé pendant une période continue sans prendre de repos week-end compris, après avoir dû participer à un salon professionnel et avait pris acte de la rupture de son contrat de travail pour ce fait.

La Cour d’appel l’en avait débouté, jugeant que le salarié avait bénéficié d’un repos compensateur, de sorte que le non-respect par l’employeur des dispositions légales relatives au repos hebdomadaire présentait un caractère isolé, qui ne justifiait pas une prise d’acte.

La Cour de cassation a censuré ce raisonnement, le non-respect par l’employeur des dispositions relatives au repos hebdomadaire avait nécessairement causé un préjudice au salarié sur le plan de la santé, compte tenu de la durée de son travail continu au sein du salon professionnel, et que la prise d’acte était ainsi justifiée (Cass. soc 31 ocot. 2012 n° 11-20136).

Il est intéressant de noter que le droit à la santé revêt pour les Juges une importance fondamentale, en particulier depuis 2011, lorsque la Cour de cassation avait posé en principe que « le droit à la santé et au repos sont au nombre des exigences constitutionnelles » (soc. 29 juin 2011 n° 09-71107).

Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La prise d’acte, solution aux graves manquements commis par l’employeur

La vie en entreprise n’est pas toujours une partie de plaisir, elle peut aussi être source de situations conflictuelles.

Singulièrement, lorsque l’employeur ne respecte pas ses engagements, par exemple en refusant de payer un bonus qui est dû, en modifiant unilatéralement la rémunération, en se livrant à un harcèlement moral…

Le salarié victime de ces graves manquements est fondé, dans ces circonstances, à « prendre acte » de la rupture de son contrat de travail. Il suffit pour ce faire d’adresser, ou de faire adresser par son avocat, une lettre exposant les griefs imputés à l’employeur.
Cette prise d’acte produit alors un effet immédiat. Ce qui signifie que le contrat de travail prend fin à la date de réception par l’employeur de cette lettre, sans que le salarié soit tenu d’exécuter son préavis.

La prise d’acte produit les effets d’un licenciement injustifié

En outre, la prise d’acte, lorsqu’elle est considérée comme légitime par le Conseil de Prud’hommes, produit les effets d’un licenciement injustifié. De telle sorte que l’employeur sera condamné à payer au salarié : des dommages intérêts, une indemnité de licenciement (si le salarié avait l’ancienneté requise pour en bénéficier), ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

Mais la médaille peut aussi comporter son revers.

En effet, si le Conseil de Prud’hommes estime que la prise d’acte n’était pas justifiée, soit parce que les manquements reprochés à l’employeur étaient infondés, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment graves, le salarié devra payer à son employeur une indemnité compensatrice de préavis.

C’est la solution qu’adopte avec constance la Cour de cassation, afin probablement de dissuader les plaideurs trop téméraires…(chb. sociale 8 juin 2011, n° 09-43208).

Une échappatoire au paiement à l’employeur d’une indemnité compensatrice de préavis : lorsque le salarié est en arrêt maladie

Lorsque le salarié est en arrêt maladie au moment où il prend acte de la rupture de son contrat de travail, son contrat de travail se trouve suspendu.

Il ne peut donc être condamné à payer à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis qu’il n’était pas en état d’exécuter.

Cette alternative permet ainsi au salarié de limiter ses risques financiers si son action échoue.

C’est le moyen qu’avait développé avec succès un salarié dans une affaire sur laquelle la Cour de cassation avait à se prononcer :

Le salarié soutenait se trouver en arrêt de travail lorsqu’il a pris acte de la rupture de son contrat de travail de sorte qu’il ne saurait être tenu à l’égard de son employeur d’une indemnité compensatrice de préavis afférente à cette période (Cass. soc. 22 janv. 2025 n° 22-16608)