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Dans quelles circonstances un employeur est-il en droit de licencier un salarié malade ?

Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La maladie du salarié n’est pas en soi une cause de licenciement

Précisons d’emblée que l’employeur ne peut, en aucune circonstance, reprocher au salarié d’être en arrêt maladie et le sanctionner pour ce motif.

S’il est en arrêt maladie, et qu’il en a justifié par un arrêt de travail établi par son médecin, c’est que celui-ci a considéré, à l’examen de son état de santé, qu’il n’était pas en état de continuer à travailler et qu’il était nécessaire qu’il se soigne et se repose.

Pendant la durée de cet arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu et le salarié cesse d’exercer son activité professionnelle, ce qui signifie notamment qu’il n’a pas à donner suite aux éventuelles sollicitations de son employeur au cours de cette période et qu’il n’a évidemment pas à répondre à ses mails ou à ses appels téléphoniques professionnels.

S’abstenir de répondre à des messages de son employeur pendant qu’un salarié est en arrêt maladie ne peut donc lui être imputé à faute, étant rappelé que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité qui lui impose de prendre soin de la santé des salariés.

L’article L 1132-1 du Code du travail, qui pose un principe de non-discrimination, prévoit expressément qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé.

Le licenciement d’un salarié ayant pour cause sa maladie serait donc discriminatoire et encourt nécessairement la nullité de la rupture.

En revanche, la jurisprudence considère de longue date que si l’article L 1132-1 du Code du travail fait interdiction à l’employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, il ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié, lequel doit s’opérer dans l’entreprise qui l’emploie (Cass. Soc. 25 janv. 2012 n° 10-26502).

Le salarié n’est donc pas licencié en raison de son état de santé, mais des conséquences que son absence durable provoque au sein de l’entreprise

Cela étant, la Chambre sociale de la Cour de cassation impose des garde-fous.

L’employeur doit justifier de la perturbation apportée par l’absence du salarié dans le fonctionnement de l’entreprise, et établir, par exemple, qu’il a dû confier l’exécution de ses tâches à un autre salarié de l’entreprise depuis qu’il est en arrêt maladie.

La maladie ne peut être la cause du licenciement, mais celui-ci est fondé sur les conséquences des perturbations qu'elle occasionne à l'entrepriseIl incombe en outre à l’employeur de justifier que les perturbations liées à l’absence du salarié l’obligent dorénavant à procéder à son remplacement à titre définitif par l’embauche d’un autre salarié au sein de l’entreprise.

En cas de litige, l’employeur doit être en mesure de rapporter la preuve de l’impossibilité de pourvoir au remplacement provisoire du salarié (Cass. Soc. 6 déc. 2017 n° 16-23070).

Le code du travail prévoit au demeurant une solution palliative en accordant à l’employeur la possibilité de recruter un salarié sous contrat à durée déterminée pendant la durée de l’absence du salarié malade (article L 1242-2), ce contrat « à terme incertain », peut être renouvelé plusieurs fois, avec pour échéance la fin de l’arrêt de travail de l’intéressé.

Néanmoins, si l’employeur se résout à licencier le salarié malade en invoquant la nécessité de le remplacer définitivement, la rupture ne sera licite que s’il procède à l’embauche dans l’entreprise d’un autre salarié par contrat à durée indéterminé.

Il a ainsi été jugé que la reprise des tâches confiées au salarié en arrêt maladie par une entreprise de services extérieure ne répondait pas aux exigences posées par la Cour de cassation (Ass. Plénière 22 avril 2011 n° 09-4334).

La Chambre sociale a apporté plusieurs précisions sur le moment auquel le remplacement définitif par un autre salarié devait avoir lieu

Elle considère que le remplacement définitif du salarié doit intervenir dans un « délai raisonnable ».

Le délai raisonnable est une expression valise qui trouve de nombreuses applications en droit et offre au Juge toute latitude d’appréciation.

Une décision a, par exemple, considéré que le remplacement définitif d’une salariée réalisé plus de 5 mois après qu’elle ait été licenciée pouvait constituer un délai raisonnable (Cass. Soc. 21 mars 2012 n° 11-10357).

La Haute juridiction vient néanmoins de préciser quels étaient les éléments d’appréciation mis à la disposition des juridictions prud’homales pour considérer qu’un délai est raisonnable, ou ne l’est pas.

Elle énonce que « le remplacement doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement » (Cass. Soc. 24 mars 2021 n° 19-13088).

Il convient que les Juges analysent les spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, qui peuvent en effet avoir une incidence sur le temps nécessaire à une nouvelle embauche ; le recrutement d’un Directeur de production dans l’industrie sera probablement plus long que celui d’un vendeur.

Les démarches accomplies par l’employeur en vue d’un recrutement, notamment la réalité de ses diligences, contribueront à parfaire l’appréciation des Juges du fond.

Dans cette affaire, une salariée, directrice d’association, reprochait à son employeur d’avoir procédé à son remplacement définitif 6 mois après son licenciement.

La Cour d’appel avait estimé qu’il s’agissait d’un délai raisonnable.

La Chambre sociale de la Cour de cassation l’approuve d’avoir tenu compte des démarches immédiatement engagées par l’employeur en vue d’un recrutement et de l’importance du poste de directeur, de sorte que le remplacement de l’intéressée était intervenu dans un délai raisonnable.