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Lorsque le salarié utilise son domicile à des fins professionnelles

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une intrusion dans la vie privée du salarié

Certains salariés, amenés à se déplacer de façon régulière, utilisent leur domicile personnel à des fins professionnelles et y établissent le siège de leur activité.

Une telle sujétion, volontaire ou non, emporte des conséquences importantes en droit du travail et oblige en tout état de cause l’employeur à les indemniser.

Le domicile est un lieu qui relève de la vie privée du salarié et cette sacro-sainte règle interdit en principe les empiètements de la vie professionnelle.

L’employeur ne peut par conséquent exiger du salarié qu’il travaille et installe ses outils de travail chez lui.

La Cour de cassation a adopté à cet égard une position jamais démentie, en jugeant notamment qu’un employeur, qui avait fermé les locaux de son entreprise, ne pouvait ordonner à un commercial d’installer à son domicile personnel un téléphone professionnel et des dossiers, car il s‘agissait d’une modification de son contrat de travail.

La position de la Haute Juridiction peut se résumer en une phrase, qu’elle énonce :

Le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail

Le salarié était en conséquence fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, laquelle s’analysait en un licenciement (Cass. soc 2 octobre 2001 n° 99-42727).

Le respect du contrat de travail

De jurisprudence constante effet, une modification du contrat de travail ne peut valablement produire effet que si elle est acceptée par l’autre partie.

Ce qui peut se résumer ainsi (Cass. soc. 31 mai 2006 n° 04-43592) :

Lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié

C’est également sur le fondement contractuel qu’il a été jugé qu’un employeur ne peut imposer à un salarié qui effectuait son travail à domicile, de venir un jour par semaine au siège de l’entreprise distant de 200 km de son domicile.

Il s’agit là aussi d’une modification du contrat de travail que le salarié peut refuser, le licenciement pour faute grave de l’intéressé ayant été jugé injustifié (Cass. soc. 13 avril 2005 n° 02-47621).

Le fait pour l’employeur de lui imposer de se rendre désormais deux jours par semaine au siège de la société situé à plus de 200 km pour exécuter ce travail constituait une modification de son contrat que le salarié était en droit de refuser, ce dont il résultait qu’il ne pouvait se voir reprocher une faute grave.

L’obligation d’indemniser le salarié

Par ailleurs, si le salarié occupe une partie de son domicile à des fins professionnelles, à la demande de son employeur, cette immixtion dans sa vie privée oblige l’employeur à l’indemniser, ainsi qu’à prendre en charge les frais éventuellement engagés pour les aménagements rendus nécessaires (Cass. soc 8 juillet 2010 n° 08-45287).

Cette position a été réaffirmée par la Cour de cassation (Cass. soc 12 décembre 2012 n° 11-20502) :

le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition.

La solution est assez audacieuse, car en l’occurrence, l’employeur soutenait que le salarié avait refusé la proposition qui lui avait été faite de se voir mettre à disposition un local loué avec ligne téléphonique et accès internet.

L’argument n’a pourtant pas été retenu par les Juges qui ont constaté que l’intéressé ne disposait pas effectivement d’un local professionnel, peu importe la raison.

L’employeur ne peut en effet espérer réduire ses coûts en les faisant supporter par le salarié, il est normal qu’il l’indemnise de cet empiètement sur sa vie privée.

Pour compléter cette rubrique, il convient en outre de rappeler que la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 réglemente le télétravail.

2 Replies to “Lorsque le salarié utilise son domicile à des fins professionnelles”

  1. Salariés itinérants et droit à indemnité - Avocat droit du travail says: 18 novembre 2017 at 18 h 48 min

    […] On sait que la jurisprudence considère que « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail ; si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile » (Cass. Soc. 7 avril 2010 n° 08-44865). […]

  2. Le télétravail - Avocat droit du travail says: 28 août 2021 at 10 h 34 min

    […] outre, le salarié qui travaille ainsi à son domicile doit être indemnisé des frais qu’il est amené à […]

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